Itinéraire d'un second couteau : la folle filmo de Jeffrey Jones

Publié le par Dino Velvet

Itinéraire d’un second couteau : la folle filmo de Jeffrey Jones

Nom, Jeffrey Jones. Profession, acteur, ou plus précisément second couteau. Pas un physique de jeune premier (surtout qu’il a pris de l’embonpoint avec l’âge) mais une vraie tronche qui squatte les écrans, petits et grands, depuis plus de trente-cinq ans. Pas un seul premier rôle au compteur, il n’y en aura, hélas, probablement jamais. Alors que de nombreuses têtes d’affiche ont autant de présence qu’une endive bouillie, nombre de seconds rôles, pourtant complètement aptes à porter un film sur leurs épaules, semblent irrémédiablement condamnés à rester dans l’ombre. Charismatique en diable mais toujours cantonné au bas de l’affiche, Jones est de ceux-là. Le cinéma est un univers injuste, on le savait.

Jeffrey Duncan Jones est né le 28 septembre 1946 à Buffalo, comté de New York, Etats-Unis. Comme beaucoup d’acteurs de cinéma, Jones est un féru de théâtre. Il se produira notamment quatre ans à Londres et trois au Canada. Sa carrière cinématographique, qui commence en 1970 avec The revolutionary et compte aujourd’hui une soixantaine de rôles, a manqué d’être stoppée net en 2003. Dans le cadre d’une vaste enquête, les autorités découvrent alors que Jeffrey Jones a fait poser un jeune homme de quatorze ans sur des photos à caractère sexuel. Résultat : notre homme est fiché comme pédophile, écope de cinq années de mise à l’épreuve, doit suivre une thérapie et débourse vingt mille dollars pour sa caution. Heureusement pour le cinéphile, cette sinistre affaire ne sonnera pas le coup d’arrêt de la carrière de l’acteur.

Des lignes directrices émergent assez nettement de la filmographie de Jeffrey Jones. Premier constat : l’air de rien, le comédien a joué sous la direction de réalisateurs importants. Milos Forman l’engage par deux fois (Amadeus, où il interprète l’empereur Joseph II, puis Valmont cinq ans plus tard), John McTiernan le filme dans A la poursuite d’octobre rouge (1990) et il devient un récurrent chez Tim Burton (Beetlejuice, Ed Wood puis Sleepy hollow). Comme on peut le voir, Jones se plaît à endosser des costumes d’époque (perruque de rigueur), ce qu’il fera également dans Vorace (Ravenous), excellent western anthropophage d’Antonia Bird. Notre homme, qui ne semble pas franchement avoir de plan de carrière, apparaît aussi dans Howard (Willard Huyck – 1986), L’associé du diable (Taylor Hackford – 1997), Stuart little (Rob Minkoff – 1999) et Docteur Dolittle 2 (Steve Carr – 2001). Pas que du bon donc mais des prestations toujours réussies pour l’habitué des seconds rôles. A ce jour, le meilleur personnage de Jeff reste celui qu’il a joué dans La folle journée de Ferris Bueller, film culte de 1986 (save Ferris !). Arborant une moustache, il y campe Ed Rooney, proviseur tatillon et sournois voulant à tout prix prouver que l’élève Bueller (son pire cauchemar) s’est fait porter pâle une énième fois afin de sécher les cours. Dans cette entreprise, Rooney finira plus bas que terre, visage tuméfié par un coup de pied mémorable (on en rit encore), costume déchiré et couvert de boue (générique de fin irrésistible). Jeffrey Jones s’est aussi beaucoup illustré à la télévision en participant à de nombreuses séries : The Adams chronicles (1976), Kojak (1977), Remington Steele (1983), La quatrième dimension (1985), Histoires fantastiques (1986), Les contes de la crypte (1993), Au-delà du réel (1998). Prolifique le bonhomme. Depuis 2004, on le retrouve dans Deadwood, la bombe télévisuelle de la chaîne HBO.

Alors qu’il s’apprête à souffler ses soixante bougies, Jeffrey Jones n’a absolument pas à rougir de sa filmographie. Au contraire, il peut même se targuer d’être un second couteau particulièrement apprécié des spectateurs.

Dino Velvet
Le 12 août 2006

Publié dans Cinéma : la critique

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